Deuxième journée de l’habitat inclusif : entre échanges croisés et idées partagées

Fort du succès de la première journée de l’habitat inclusif ayant eu lieu l’année dernière, une cinquantaine de personnes se sont réunies au Pôle Handicap Saint-Louis à Villepinte (Seine-Saint-Denis) le 23 mai 2024. Cette journée avait pour but de favoriser la mise en relation entre professionnels et résidents, de faire le point sur les avancées et les réalisations de l’habitat inclusif de l’association Vivre et devenir et de réfléchir sur l’avenir.

Cette rencontre a rassemblé un public varié issu de divers établissements de l’association : des personnes accompagnées et des professionnels venus de la Maison d’accueil spécialisée (MAS) Les Iris (Saint-Rémy-de-Provence, Bouches-du-Rhône), des dispositifs d’habitat inclusif d’Ile-de-France, de la Marne et du Dispositif habitat Côté cours (Le Havre) et de la Direction générale.

Approfondir les liens

La matinée a été consacrée à trois tables rondes autour de témoignages et de retours d’expérience des différents habitats inclusifs.

Pour débuter, les intervenants ont partagé l’expérience du “programme d’échange entre habitats inclusifs », projet lauréat dans l’appel à projets 2022 d’Inspir’Actions de Vivre et devenir. L’habitat inclusif d’Île-de-France et le Dispositif habitat Côté cours (Le Havre, Seine-Maritime) ont initié un travail sur l’échange des pratiques et l’enrichissement de leur vision de l’habitat inclusif. Les professionnels et les résidents ont souhaité par la suite contacter d’autres dispositifs internes de Vivre et devenir mais aussi d’autres associations à l’étranger basées sur le même modèle. Grâce à la dotation de 4 000 euros obtenue, les différents habitats inclusifs ont pu se rencontrer lors de plusieurs journées. Par exemple, avec des résidents et des professionnels du Havre et de l’Ile-de-France reçus à la Maison partagée d’Epernay (Marne) ou encore la journée partagée à Bruxelles, source d’émerveillement et d’ouverture d’esprit ! Les différents habitats inclusifs réfléchissent aux moyens pour poursuivre ces rencontres : auto-participation des résidents ou utilisation d’une régie mensuelle…

Selon Karima Ladjel, cheffe de service à l’Habitat inclusif Île-de-France : « Inspir’Actions a eu un effet booster car les liens entre les habitats inclusifs se sont pérennisés. C’est une envie réitérée des résidents, des professionnels de partager et d’aider au déploiement du modèle. »

Solidarité et implication

La deuxième table ronde s’est intéressée à l’intégration dans un projet social à l’instar des maraudes organisées au Havre en partenariat avec deux autres associations locales afin de distribuer des repas aux sans domiciles fixes ou aux personnes en situation d’une grande précarité. Arnaud Etiemble, locataire, évoque que « cette action est vraiment valorisante et ça donne envie d’en refaire. C’est une expérience émotionnelle à nulle autre pareille. » Quant à Charlotte Lebaillif, professionnelle, elle remarque que « c’est un projet super intéressant, notamment parce que l’on voit le locataire dans un autre cadre et que cela renforce les liens. » Enfin Marie Delaroque, directrice de Côté cours et directrice régionale Normandie de Vivre et devenir conclut : « Nous pouvons voir ici l’implication de personnes ayant des troubles psychiques et cela a un impact direct sur la réhabilitation psycho-sociale dans notre société. En plus, cette implication apporte de nombreux effets positifs, notamment dans la stabilisation des troubles. »

Associer les locataires au recrutement et au management

La troisième table ronde a mis en exergue l’implication des locataires dans le management des professionnels. Dans le prolongement de l’idée d’autodétermination, sujet de la première journée de l’habitat inclusif, il a été initié une expérimentation : la participation de certains résidents au recrutement et à l’évaluation des professionnels. Caroline Delaporte, une professionnelle du Havre, explique : « Il a fallu pour les locataires apprendre à cibler des questions suffisamment professionnelles et mettre l’affect de côté, ce qui a pu paraître difficile au départ. Il leur était ainsi possible d’évaluer les professionnels. » Quant à Dany Mailian, locataire à la résidence de Luppé (Villepinte, Seine-Saint-Denis) depuis 2014, il a participé à l’entretien d’embauche d’une professionnelle et a pu poser des questions pertinentes telles que « Pour quelles raisons candidatez-vous ? » ou « Que feriez-vous en cas de litiges entre résidents ? ». C’est pour lui un élément de plus qui démontre que « les professionnels de Vivre et devenir sont à notre écoute et nous permettent de progresser. » Enfin, Béatrice Delalandre, assistante socio-éducative à la résidence les Vikings au Havre, rajoute : « J’ai eu pendant mon dernier entretien annuel une évaluation par un locataire. C’est une véritable innovation et un acte concret de citoyenneté. »

Une feuille de route conçue ensemble

« Nous sommes dans une véritable dynamique : l’implication des locataires, prenant à bras le corps les projets et s’inscrivant dans l’autodétermination. Il y a aussi une ouverture vers la responsabilisation : reprendre sa vie en main, décider de tout ce qui concerne son accompagnement. », constate Marie Delaroque.

Pour poursuivre sur cette lancée et se projeter vers l’avenir, l’après-midi a fait place à cinq groupes de travail qui avaient pour enjeu de répondre à la question suivante : « Sur quel sujet/quelle thématique aimeriez-vous que les locataires soient plus impliqués dans le cadre de l’accompagnement par l’habitat inclusif ? »

Chaque groupe a restitué une « fiche action » sur l’une des 5 thématiques abordées :

• la vie intime et affective
• l’inclusion
• le sport
• les activités sociales collectives
• l’autonomie financière pour les loisirs individuels.

Les propositions ont été nombreuses : création d’un studio mis à disposition pour la vie intime, organisation d’une fête des voisins, des portes ouvertes, des compétitions sportives entre les habitats inclusifs de Vivre et devenir…

Les participants se sont donnés toute l’année pour les mettre en œuvre et se sont fixés rendez-vous en 2025 pour faire le bilan lors de la prochaine édition. Ils sortent de la journée avec plein d’idées comme Brigitte Becker, locataire de la Résidence accueil de Luppé : “J’ai trouvé cette journée très bien organisée, j’ai particulièrement apprécié le projet des maraudes, des échanges et la participation des locataires au recrutement. Ce sont des choses que nous pourrions développer dans ma résidence.”

Vincent Delaunay, chef du service logement du Dispositif habitat Côté cours, rajoute : « Ces échanges, emprunts de convivialité et de bienveillance, permettent de s’inspirer et de reproduire les bonnes pratiques de chacun. Et ils facilitent le montage de projets, notamment pour d’autres établissements de l’association qui souhaitent essaimer l’habitat inclusif. »